gustave dore
Doré Gustave
Enfance Alsacienne
Son père, Pierre-Louis Charles Doré est ingénieur aux Ponts et Chaussées, sa mère se nomme Alexandrine Pluchart. Ils vivent, rue des Écrivains à Strasbourg à côté de la cathédrale. Gustave Doré a deux autres frères. Dès l'âge de cinq ans, le jeune garçon dessine tout ce qu'il voit et possède un don prodigieux pour le dessin, il est interne dans le pensionnat Vergnette et suit souvent son père sur ses différents chantiers. Gustave Doré admire les dessins de Grandville, c'est un enfant très dynamique, il joue du violon et pratique la gymnastique, une discipline où il excelle toute sa vie. En 1840, Gustave Doré obtient un franc succès avec son dessin fait de mémoire, le cortège de la fête de Gutenberg. Il compose sa première histoire visuelle (un voyage aux enfers), à l'âge de huit ans, inspiré de Dante qui préfigure le chef-d'oeuvre qui fera sa gloire.
Gustave Doré a neuf ans quand son père est nommé ingénieur en chef à Bourg-en-Bresse, il n'est pas dépaysé et découvre la Bresse et les Alpes, Doré continue de dessiner chaque jour avec passion. En 1844, Gustave a 12 ans, il dessine, La vogue de Brou, une petite localité voisine, qui lui donne ce sujet de danse. Doré commence à dessiner ses premières lithographies, il publie son premier album Les Travaux d'Hercule à l'âge de quatorze ans.
Paris et le Journal pour rire
La famille Doré est divisée, le père, polytechnicien, rêve pour son fils d'études brillantes, la mère est en adoration devant le génie de son fils. En septembre 1847, toute la famille se rend à Paris pour un voyage, profitant d'une des absences de son père, Gustave, se rend au siège de la maison d'édition Aubert, place de la Bourse, pour y rencontrer son fondateur Charles Philipon, créateur des fameux journaux : la Caricature, Le Charivari entre autres, Doré connait très bien les petits albums comiques édités chez Aubert, dont la célèbre série « des Jabots » dessiné en autre par Töpffer.
Doré connait Philipon de renom, il sait que Daumier, Gavarni travaille pour ses journaux, il débarque avec ses dessins, ses esquisses, croquis et ses lithographies sous le bras, Philipon voyant ses dessins désire rencontrer son père, s'ensuit une longue tractation de plus de six mois entre le père de Gustave et Philipon. Celui-ci fait paraitre avant même le 12 ème album des Jabots, nommé, Les travaux d'Hercule, le feuillet qui accompagne les lithographies, précise, qu'elles sont réalisées par un artiste âgé de 15 ans, qui a appris le dessin sans maître et sans faire d'études classiques.
A cette époque, Philipon fonde, Le journal pour rire, une gazette illustrée et satirique. Le contrat entre Doré et Philipon, stipule que Gustave, continue à poursuivre ses études au lycée Charlemagne. Gustave est alors confié à une amie parisienne de sa mère, Mme Hérouville, rue Saint-Paul. Finalement le père de Gustave, avec l'aide de Mme Doré accepte et signe un contrat pour que son fils soit dessinateur pour Philipon.
En 1848, avec son ami Charles Robin qui prépare des études de médecine, Gustave Doré découvre l'amphithéâtre de l'école de médecine, il en dessine des charges, sur les médecins et notamment sur une médecine nouvelle l'homéopathie. En avril 1849, il publie dans le journal pour rire, « Promenade aux Tuileries ». Gustave fréquente assidument Le Louvre, les galeries d'arts, les cabinets d'estampes de la bibliothèque nationale, Doré observe, prends des notes et ne copie jamais.
Malgré son jeune âge, Gustave Doré fait preuve de beaucoup de maturité et de caractère et est indépendant. Au lycée Charlemagne, Doré fait la connaissance d'Edmond About et d'Hippolyte Taine, le premier deviendra un écrivain que Doré illustrera, le deuxième, un philosophe, écrivain, journaliste et historien, l'un des plus grands esprits du siècle, ils deviendront des amis fidèles de Doré. Doré devient le protégé de Paul Lacroix, plus connu sous les pseudonymes de P. L. Jacob ou du Bibliophile Jacob.
Paul Dalloz, éditeur, propriétaire de la revue Le Moniteur, guide Doré dans les salons où il commence une carrière d'homme du monde, accueilli à la table des plus grands, Alexandre Dumas, Théophile Gautier. Le 17 avril 1848, le contrat entre Doré et Philipon est signé, il est d'un durée de trois ans, Gustave Doré est âgé de 16 ans. Monsieur Doré postule pour la direction d'un service d'irrigation en cours de formation à Paris, pour se rapprocher de sa famille, malheureusement les événements de 1848, empêche le projet de se réaliser, le père de Gustave meurt subitement le 4 mai 1849, Gustave ne vient pas pendant plus d'un mois au journal travaillant au portrait de son père.
La peinture
Le qualificatif de dessinateur comique, ne plait pas à Gustave Doré, il aime la peinture et s'inscrit au cours public d'un certain Dupuis, il travaille aussi chez Henri Scheffer, peintre de batailles et de portraits. En 1850, Gustave Doré présente au salon, le tableau Les pins sauvages, qui passe inaperçu, son amour propre en est blessé. L'accueil réservé à ses oeuvres restent finalement décevant, Doré se sent prisonnier de son rôle d'illustrateur léger et investit dans la peinture toute sa gravité et son sérieux.
En 1851, Doré ne renouvelle pas son contrat avec Philipon, mais reste un membre actif du journal. Le jeune artiste se voit confier cette année là, par Paul Lacroix, l'illustration de quatre de ses manuscrits, au tirage de ceux-ci, il est très déçu, ils ont été tirés sur du mauvais papier et le résultat est médiocre. Doré fait paraitre chez Aubert plusieurs lithographies vendues à la pièce et publie deux albums comiques qui auront du succès.
En 1854, Gustave Doré illustre plus de 500 gravures sur bois, l'histoire pittoresque, dramatique et caricaturale de la Sainte Russie, pamphlet caricatural sur l'histoire et les moeurs russes. Doré illustre aussi le nouveau journal de Philipon le Musée français-anglais, il est imprimé en deux langues et fera connaitre Doré en Angleterre.
La gravure sur bois
La gravure sur bois (procédé en relief ou taille d'épargne) porte le nom générique de xylographie. Le graveur utilise deux techniques : la gravure sur bois de fil et la gravure sur bois de bout. La gravure sur bois de fil consiste à utiliser une planche coupée dans le sens des fibres de l'arbre. Le travail du graveur consiste à enlever à l'aide d'une gouge les parties blanches du dessin. L'artiste encre ensuite au rouleau les zones restées en relief. Ce procédé dit en relief ne permet pas de réaliser les nuances de couleurs, mais seulement des dessins contrastés en couleur et blanc purs. Le bois utilisé est souvent du poirier.La gravure sur bois de bout s'effectue sur une planche coupée perpendiculairement aux fibres. La technique est dite en relief, comme pour la gravure sur bois de fil, mais le bois étant plus tendre dans ce sens, la taille est plus facile et plus précise, les formats sont plus petits, car ils dépendent de la dimension de l'arbre.
A 20 ans, Gustave Doré redécouvre et remet au goût du jour la gravure sur bois et va redonner un nouveau souffle à celle-ci, il se met en recherche d'une nouvelle équipe de graveurs pour approfondir sa technique et rencontre d'excellents artisans, Pisan, Sotain, Lavieille qui deviennent ses fidèles amis. Gustave Doré bouleverse le rapport existant entre l'artiste et le graveur, il ne dessine plus à la mine de bois, il jette son dessin au lavis ou à la gouache et demande au graveur de l'interpréter, en étant fidèle, non pas au trait, mais au mouvement, à la lumière, au sens.
Rabelais et Balzac
Cette technique lui permet une grande productivité, au printemps 1854, l'éditeur Bry lui confie l'illustration des oeuvres de Rabelais, Doré y travaille depuis 1853, dès la parution c'est un triomphe, il est publié dans l'album pour rire en livraisons à 20 centimes le numéro. Le succès est tel que les rééditions se suivront 1854, 1858, 1859, 1861, 1862, 1873, nécessitant même le remplacement des planches usées, Gustave Doré est célèbre à 22 ans. Les éditeurs affluent pour illustrer leur commande.
En 1855, c'est l'illustration des « Contes drolatiques » de Balzac, orné de 425 dessins et vignettes. Doré présente au Salon, ses tableaux « Soir », « La prairie » qui ne sont pas remarqués par la critique.
La maison Hachette lui confie l'illustration du « Voyage aux eaux des Pyrénées » écrit par son ami Hippolyte Taine, puis Doré part à Biarritz avec Théophile Gautier et Paul Dalloz, voyage aussi en Espagne avec Gautier. Gustave travaille pour quasiment tous les journaux illustrés de son époque, il s'étourdit de travail.
L'ambition de Gustave Doréest d'illustrer dans un format géant, tous les chef-d'oeuvre de la littérature mondiale, il voit grand, Perrault, Cervantès, La Fontaine, Milton, Montaigne, Byron, Homère, Virgile, Ovide, Corneille, Lamartine, Goethe, Shakespeare. Un matin de janvier 1855, son ami, le poète, Gérard de Nerval, est retrouvé, pendu dans la rue de la Vieille Lanterne, à côté du Châtelet, Doré est sous le choc et compose alors une lithographie hallucinante sur son ami, la rue de la Vieille Lanterne, scène macabre et sombre.
En 1856, Gustave Doré illustre Le Juif errant d'Isaac Laquedem, composés de douze planches grands formats, dans un style sombre et tourmenté, il y décrit le destin tragique de cet homme, errant entre Dieu et la mort. En 1860, Doré travaille aux planches de l'Enfer, Paris est alors un énorme chantier, le préfet Haussmann, fait modifier les vieux quartiers, fait construire de grandes voies rectilignes, des casernes, des églises, des marchés, des gares, les Halles, des théâtres, Passy, Auteuil, Montmartre, Grenelle et Vaugirard sont annexés, les riches et les pauvres ont chacun leur quartier. Émile de la Bedolliere se penche sur l'histoire des vingt arrondissements de Paris, il publie, Le nouveau Paris et L'histoire de ses environs, Gustave les illustre.
L'Enfer de Dante
Doré termine l'illustration du monument littéraire, véritable chef-d'oeuvre du patrimoine mondial, L'Enfer de Dante Alighieri, tiré de son livre La Divine Comédie, Dante est le premier grand poète de langue italienne. Doré veut une édition de luxe, in-folio, à 100 francs, tous les éditeurs qu'il démarche refusent et jugent l'ouvrage trop cher, Hachette lui dira même : « Vous n'en vendrez pas 400 exemplaires ! ». Doré paie de sa poche, les planches de buis, une fortune à l'époque, paie les graveurs, le papier, toutes ses économies sont investies. 3000 exemplaires sont tirés chez Hachette et sont vendus en quelques jours ! Le succès est phénoménal, l'oeuvre est reprise par tous les grands éditeurs d'Europe et d'Amérique, le nom de Gustave Doré est connu partout. Il faut dire que les 75 planches de Dante sont magnifiques, les graveurs, Pannemaker, Piaud, Sotain, Pisan et Maurand ont réalisé un travail admirable pour ce format, elles sont protégées chacune par une feuille de papier de soie, avec une légende en français et en italien.
En 1862, Gustave Doré illustre les aventures du baron de Münchhausen, le conte de Charles Perrault Saintine. En 1863, il illustre Don Quichotte de Cervantès, publié en deux volumes in-folio, comportant 120 planches et 277 vignettes gravées par Pisan, le succès est encore une fois très important, puis La légende du Croquemitaine et Atala de Chateaubriand.
Doré est aussi un homme du monde, il fréquente les soirées parisiennes et participe aux samedis de son ami, le musicien Rossini, il y rencontre, Offenbach, Gounod, Liszt, qu'il reçoit également dans son hôtel, rue Saint-Dominique. Chez Théophile Gautier, autre ami, Gustave Doré fait la connaissance de Flaubert, Musset, Les Goncourt et Georges Sand. Doré fréquente également l'aristocratie, ses dimanches se déroulent chez la princesse Mathilde, il participe aux vendredis du comte de Nieuwekerke, chez Sarah Bernhardt, il rencontre Maupassant, Sainte-Beuve, Mérimée. Doré organise des dîners, le dimanche, où sont conviés tous ceux cités avant ainsi que tous les éditeurs de Paris, Philipon, Dalloz, Hetzel, Hachette, le sculpteur Carrier-Belleuse, ses amis graveurs,
Nadar le grand photographe.
Londres
L'année de ses 30 ans, Gustave Doré est décoré de la légion d'honneur, il voyage beaucoup, en 1864, il illustre L'histoire de France, rédigé par le ministre de l'instruction publique, Victor Duruy, puis l'illustration en 1866, de la Bible en deux volumes in-folio, accompagné de 230 gravures, édité par Alfred Mame à Tours, spécialiste des ouvrages religieux, qui est même rééditée la même année et enrichie de nouvelles planches et d'ornements de texte par Giacomelli et repris dans toutes les langues, illustration du capitaine fracasse et le paradis perdu de Milton. En 1867, Doré illustre les fables de la Fontaine.
Gustave Doré est sollicité par le représentant de Cassel, son éditeur à Londres, pour l'ouverture d'une galerie consacrée à ses tableaux, Doré a peur de partir, de perdre son prestige et son influence en France. Il signe finalement le 7 décembre 1867 pour l'ouverture de la Doré Gallery et s'engage à peindre en quatre mois, pour une somme de 800 livres, le tableau triomphe du christianisme sur le paganisme, l'oeuvre mesure 3X2 mètres, l'artiste est reçu par les Anglais comme le chef-d'oeuvre de Doré, une exposition est organisée à Londres à l'Egyptian Hall. Doré arrive le 18 mai 1868 et reçoit un accueil triomphal de la part des londoniens, il est invité par le prince de Galles et séjourne un mois dans la capitale anglaise. Le 13 novembre 1868, son ami, Rossini meurt, Doré exécute un fusain, Rossini sur son lit de mort.
A Londres, ses tableaux se vendent à prix d'or, la reine Victoria achète une de ses toiles, la Doré Gallery reste ouverte 24 ans, plus de deux millions et demi de visiteurs paient l'entrée à un shilling. Doré mène un grand train de vie, ses ouvrages qui sont édités dans toute l'Europe lui rapporte beaucoup, ses planches sont vendues très chères, la rumeur dira même que Gustave Doré a gagné en 20 ans, environ sept millions or !
Puis c'est la guerre franco-allemande en 1870 et le siège de Paris, Doré s'engage comme volontaire, pendant la Commune les exécutions sommaires se multiplient, femmes et enfants sont exécutés, partout ce n'est que ruines et cendres, Doré après cela ne sera plus jamais le même homme, son Alsace est perdue, il est abattu, vieilli, la guerre a eu raison de sa jeunesse, Doré s'installe à Londres où il passera toute l'année 1871.
En janvier 1872, à Londres, c'est la parution de la revue, "London, a pilgrimage", où Doré dépeint avec noirceur les quartiers sordides et la misère de la capitale anglaise, avec le texte de Jerrold accompagné de 180 planches de Doré,(Blanchard Jerrold est son ami journaliste à l'Illustrated London). Malgré ce chaos, en janvier 1872, son tableau Christ au prétoire, est exposé à Londres, c'est un extraordinaire succès, au salon Gustave Doré présente Massacre des innocents.
En 1873, Doré voyage en Écosse, il en ramène des aquarelles et peint les paysages écossais. En 1875 il publie l'ouvrage la chanson du vieux marin de Samuel Coleridge, le livre ne se vends pas bien, cela n'empêche pas doré d'acquérir cette même année, un terrain en bordure du parc Monceau, l'artiste souhaite construire un nouvel hôtel avec un atelier. Doré fait toujours de longs séjours à Londres, dans les Vosges, en Bretagne, en Suisse. En 1877, Doré illustre l'histoire des croisades, en 1879, Roland furieux de l'Arioste, orné de 618 dessins.
Sculpture
La sculpture l'intéresse depuis longtemps, en 1870, Doré sculpte un miroir de bronze avec des angelots, en 1871, il présente officiellement comme sculpteur La parque et l'amour, en 1878, Doré présente le groupe La gloire qui obtient un article élogieux de Paul de Saint-Victor. Lors de l'exposition universelle, il présente un immense vase de 2,90 mètres, nommé Le poème de la vigne sans succès et fort critiqué.
C'est en 1880, que Doré a un premier succès et une médaille avec La Madone et le couronnement de sa carrière courte de sculpteur avec le puissant monument à la mémoire de son ami Alexandre Dumas. Doré dira de cette oeuvre qu'elle fut le plus grand effort de sa vie et n'accepta aucun argent pour celle-ci.
Décès d'Alexandrine
Le 16 mars 1881, sa mère tant aimée Alexandrine meurt, Gustave Doré est miné par le chagrin, il a 50 ans et perd peu à peu le gout de la vie, ses forces déclinent, il part se reposer pour trois mois en Suisse. En 1882, Doré expose l'aquarelle Cour des miracles puis La vallée des larmes, ses aquarelles ont du succès, mais laisse Doré indifférent. Le 14 janvier 1883, Doré invite des amis à un diner, pendant celui-ci il parodie sa propre mort, il meurt neuf jours plus tard d'une crise cardiaque le 23 janvier 1883. Sa vie personnelle fut pauvre, sa mère aura toujours éloignée les femmes qu'il fréquentait, un projet de mariage n'a pas abouti, Mme Doré étant triste. Gustave Doré resta célibataire toute sa vie et finalement n'aura vécu qu'avec une seule femme sa mère pendant presque 50 ans.
Gustave Doré, illustrateur, dessinateur, graveur, peintre, sculpteur, a laissé derrière lui une oeuvre considérable. Henri Leblanc a recensé 9850 illustrations, 68 titres de musique, 5 affiches, 51 lithographies originales, 54 lavis, 526 dessins, 283 aquarelles, 133 peintures, 45 sculptures...C'est dans l'illustration d'oeuvres littéraires que Doré a le plus brillé. Si son succès en tant qu'illustrateur a été immense et sa renommée mondiale, il n'en est pas de même de ses peintures, celle-ci n'était pas appréciée, sauf en Grande-Bretagne et ce n'est qu'à la fin de sa vie que ses aquarelles auront un certain succès.
Première édition le: 09 juin 2010 Par : Sarah
Mise à jour le: 05 février 2012 Par : Sarah
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Le Juif errant